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Vers une stratégie globale pour une Europe sans amiante

La Commission européenne prévoit de réviser la directive européenne sur l’amiante en 2022, pour mieux protéger les travailleurs exposés. En amont de cette proposition législative, la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen entame ses travaux pour émettre des recommandations. Véronique Trillet-Lenoir, députée européenne de la délégation Renaissance, est chargée de suivre ce dossier pour son groupe politique (Renew Europe) en tant que « shadow rapporteur ». 

Si l’amiante a été interdit au niveau européen en 2005, il est encore présent dans de nombreux bâtiments et est la principale cause de cancers professionnels. 

Le pacte vert : une opportunité pour accélérer le retrait de l’amiante

« Le pacte vert prévoit une vague de rénovation des bâtiments. C’est une opportunité sans précédent pour accélérer le retrait de l’amiante en Europe. Mais c’est aussi un risque pour les travailleurs du secteur du bâtiment, potentiellement exposés » souligne la députée, qui est aussi rapporteur du Parlement européen sur le plan Cancer. « Le pacte vert européen est un vaste plan de santé publique. Il peut constituer une importante contribution au volet « prévention » du Plan Cancer européen. »

« Pour prévenir les risques, nous devons d’abord mieux détecter la présence d’amiante. À cette fin, la législation européenne en matière de rénovation devrait comporter une obligation de diagnostic avant travaux. C’est déjà le cas dans certains États membres, comme en France. Le diagnostic des bâtiments construits avant l’interdiction de l’amiante devrait aussi être généralisé pour que les acheteurs ou locataires de bâtiments soient informés des risques » considère Véronique Trillet-Lenoir. 

« Les résultats de ces diagnostics pourraient alimenter une cartographie nationale de l’amiante. Un tel outil permettrait de préparer des plans pluriannuels de retrait d’amiante dans chaque État membre, et d’en suivre les progrès, comme c’est le cas en Pologne. C’est une question de responsabilité vis-à-vis des prochaines générations » insiste la députée européenne, pour qui il faut aussi investir pour une gestion durable des déchets d’amiante. « Des techniques de traitement existent et sont prometteuses mais ne sont pas toujours, à ce stade, suffisamment rentables. Aucune piste ne doit être écartée, notamment celles de projets européens d’intérêts communs. »

Pour la rapporteur du plan Cancer européen « la gestion de l’amiante est une illustration de l’importance du principe de la santé dans toutes les politiques. Politique du logement, de gestion des déchets, de protection de la santé au travail : tous les leviers doivent être enclenchés, dans l’intérêt de la santé des Européens. »

L’impératif d’une transition socialement juste

« Cette transition vers une Europe sans amiante doit être socialement juste. C’est un impératif ! » insiste la députée européenne, pour qui la rénovation d’un logement ne doit pas constituer un privilège hors de portée des plus modestes. « Les propriétaires doivent être activement soutenus. Ils ne doivent pas porter l’intégralité du fardeau financier ». Elle ajoute « ne voyons pas que les coûts à court terme, le retrait d’amiante est aussi un investissement majeur pour la santé publique : les bénéfices sont considérables, non seulement en vies épargnées, en douleurs évitées, mais aussi en économies pour les systèmes de protection sociale. »

Pour la députée européenne, cette justice sociale doit aussi passer par la protection des travailleurs. « Les travailleurs du bâtiment sont en première ligne. Ils doivent bénéficier des meilleures mesures de prévention, et pas seulement sur leur lieu de travail. En amont, des standards minimums de formation doivent être fixés au niveau européen. Après une exposition, tous les travailleurs européens doivent aussi pouvoir bénéficier d’une surveillance médicale renforcée et d’un accès à des services adaptés, comme un accompagnement pour l’arrêt du tabac, dont l’effet synergique avec l’amiante est significatif. » 

Évaluer les progrès, soutenir les victimes

Pour évaluer l’efficacité des politiques de prévention et assurer un suivi épidémiologique précis, Véronique Trillet-Lenoir propose de faire du mésothéliome, un cancer dont le principal facteur de risque est l’amiante, une maladie devant être systématiquement déclarée aux autorités sanitaires. « C’est déjà le cas en France et cela permettrait de fournir un indicateur fiable au niveau européen ». 

En raison du temps de latence entre l’exposition et la déclaration d’une maladie, les bénéfices des mesures prises aujourd’hui ne se feront sentir que dans plusieurs dizaines d’années. « Nous ne devons pas oublier les souffrances et l’anxiété des victimes actuelles. Aux souffrances personnelles d’un diagnostic de cancer s’ajoutent trop souvent des difficultés de procédure » rappelle Véronique Trillet-Lenoir, qui propose que les associations de victimes soient pleinement consultées, dans le but de faciliter la reconnaissance et la compensation des maladies liées à une exposition professionnelle à l’amiante.