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Le plan cancer en actes : propositions pour un renforcement considérable de la protection des travailleurs contre l’amiante

Le 28 septembre dernier, la Commission européenne publiait sa stratégie pour une Europe sans amiante. Cette feuille de route, s’inscrivant dans le cadre du plan européen pour vaincre le cancer, s’appuyait largement sur les demandes du Parlement pour une approche européenne transversale, intégrant notamment les politiques du logement, de la gestion des déchets et de la protection de la santé au travail.

En tant que Rapporteure du Parlement sur le premier volet législatif de cette stratégie, Véronique Trillet-Lenoir est chargée de porter la position du Parlement européen pour renforcer la protection des travailleurs contre l’amiante qui reste, même après son interdiction européenne en 2005, la première cause de cancers professionnels.

Aujourd’hui, l’eurodéputée de la délégation l’Europe Ensemble a présenté son rapport : il vise à la protection optimale des ouvriers dans les secteurs d’activités concernés.

Le rapport établi un constat : la méthodologie (microscopie optique), aujourd’hui recommandée pour mesurer l’exposition professionnelle à l’amiante, est dépassée. Des méthodes plus performantes, basées sur la microscopie électronique, existent et permettent de détecter davantage de fibres.

Deux méthodes sont aujourd’hui utilisées en microscopie électronique, technologie plus lourde et dont ne disposent actuellement que quelques pays de l’Union européenne :

  • l’une, dite par balayage, permet de mesurer la valeur limite la plus basse introduite à ce jour (de 0,002 fibres par cm3). Elle détecte 2 à 4 fois plus de fibres que la microscopie optique, mais ne permet pas de détecter les plus fines.
  • l’autre, dite par transmission, permet, elle, de repérer les fibres les plus fines, avec un taux de détection en moyenne 15 fois supérieur à celui de la microscopie optique1.
Pour Véronique Trillet-Lenoir : Face à l’amiante, nous ne devons pas reproduire les erreurs du passé. Trop longtemps les faits scientifiques ont été occultés, conduisant à une situation dont les travailleurs paient encore le prix. Nous savons aujourd’hui que même les fibres d’amiante les plus fines sont cancérigènes. L’agence européenne des produits chimiques a même évoqué que la dangerosité pourrait augmenter avec la diminution du diamètre des fibres. 

C’est pourquoi, attachée à prendre en compte les données de la science, la députée Renew Europe recommande l’utilisation de la technique la plus performante : la microscopie électronique par transmission.

Pour réduire le risque d’exposition des travailleurs, 3 étapes sont proposées.

  • La première, de court terme, consiste à appuyer la Commission européenne dans sa volonté de diviser rapidement par dix la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP). « Il est urgent de prendre cette mesure, tout en proposant une limite réaliste, c’est-à-dire qui reste mesurable par microscopie optique » précise l’eurodéputée.
  • La seconde étape interviendra dès le déploiement de la microscopie électronique par transmission dans l’ensemble des États Membres. Il faudra en effet 2 à 3 ans pour que les laboratoires puissent s’équiper de nouveaux microscopes et former leurs équipes. « Diviser par 10 la VLEP puis introduire, après une période de transition de 3 ans, la pratique de la microscopie électronique par transmission, conduirait donc à un renforcement de la protection d’un facteur d’environ 150 (10 x 15) par rapport à la situation actuelle, ce qui est considérable tout en restant techniquement faisable. »
  • Face à un cancérigène sans niveau de risque zéro comme l’amiante, des efforts constants sont nécessaires. C’est pourquoi Véronique Trillet-Lenoir propose une clause de révision pour diminuer de nouveau la VLEP, dans un délai de 5 ans.

Pour accompagner la révision de la directive, le rapport propose de préciser les mesures à appliquer pour éviter la propagation de poussières dans l’air et de s’assurer que les équipements de protection individuels fassent l’objet d’un essayage individuel obligatoire. Ces mesures pratiques concourront au respect de la VLEP révisée et à l’objectif d’une réduction de l’exposition au niveau le plus bas techniquement possible.

D’autres modifications de la directive amiante sont proposées et reflètent les demandes du Parlement européen exprimées dans une résolution de 2021.

Même si la proposition de révision consiste à augmenter la protection des travailleurs par un facteur de 150, ce qui est absolument considérable, se focaliser uniquement sur la VLEP n’est pas suffisant. 

Un préalable est de vérifier, en amont des travaux, la présence ou l’absence d’amiante dans le périmètre des travaux envisagés.

« Si l’annonce par la Commission d’une prochaine législation sur le diagnostic et l’enregistrement de l’amiante dans les bâtiments est une bonne nouvelle, le contenu précis n’est pas encore connu ». Le rapport propose donc d’insérer une clause prévoyant, si les informations avant travaux sont manquantes ou insuffisantes, qu’un diagnostic soit réalisé par un opérateur certifié et ce quel que soit le type de locaux : bâtiments ou autres infrastructures, notamment les bateaux.

Il est également proposé de supprimer le concept d’exposition sporadique ou de courte intensité, permettant de lever certaines obligations de la directive et de le remplacer par des lignes directrices pour fournir des informations pratiques sectorielles sur la mise en œuvre.

Le rapport recommande de privilégier le retrait des matériaux amiantés plutôt que le recours à des techniques alternatives, comme l’encapsulage ou le gainage, qui ne font que reporter le retrait d’amiante.

Pour une sensibilisation accrue sur les mesures à prendre, il est proposé de renforcer les exigences minimales de formation des travailleurs et de notification aux autorités compétentes.

Afin de lutter contre l’exposition secondaire, le rapport recommande que soient mises en place des procédures de décontamination obligatoires.

Enfin, il est proposé de mettre à jour les obligations de surveillance médicale, à la lumière des connaissances récentes sur les maladies susceptibles d’être provoquées par l’amiante.  

Ce rapport est une proposition concrète de renforcement de la prévention des cancers liés à l’amiante chez les travailleurs. Il propose une feuille de route ambitieuse mais réalisable et basée sur la science pour s’attaquer avec détermination à la première cause de cancers professionnels. Véronique Trillet-Lenoir

Contact presse : claudie.gilot@europarl.europa.eu

1 EYPERT-BLAISON, C., CLERC, F., ROMERO-HARIOT, A. & VINCENT, R. 2018a. Notes techniques 252. Amiante dans l'air des lieux de travail : pertinence de l'analyse par microscopie électronique à transmission analytique (meta), Paris, INRS. EYPERT-BLAISON, C., ROMERO-HARIOT, A., CLERC, F. & VINCENT, R. 2018b. Assessment of occupational exposure to asbestos fibers: Contribution of analytical transmission electron microscopy analysis and comparison with phase-contrast microscopy. J Occup Environ Hyg, 15, 263-274.